NELSON DIAS LOPES

Commissaire: Rolando Carmona

Intervention Murale: Artiste Jaime Gili

 

Je découpe le silence.... et “je pense au collage”

Nelson Dias-Lopes. 1976/1990

“Je suis arrivé à la peinture par le collage qui a tenu une place primordiale au début de mon travail. Actuellement, si je ne m’en sers pas en tant que technique, virtuellement il existe. Je pense collage, c’est-à-dire une juxtaposition de diverses idées (fragments) avec ou sans rapport apparent entre elles qui coexistent à l’intérieur d’un espace donné.”

 

NELSON DIAS-LOPES (1947-Rio de Janeiro, Brésil - 2021 Paris, France)

Est-il possible d'être accro au rythme de la samba tout en s'extasiant devant un spectacle de Don Giovanni ou de Noureev ? Peut-on aimer le désert avec la même passion que les paysages de Rio ? Laissez-moi vous parler d'un artiste qui a passé sa vie à naviguer dans cette brèche.

Nelson Dias-Lopes a pris la décision de quitter le Brésil en 1974, à la suite d’un voyage dans le désert algérien, lorsqu'il est venu travailler avec Niemeyer sur le pavillon brésilien de la Foire internationale d'Alger. Cette décision n'était pas simplement motivée par des raisons académiques ou professionnelles.

 

Comme c'est souvent le cas pour les voyageurs, les premières personnes que le destin place sur leur route deviennent des phares pour comprendre la nouvelle culture. Dans le cas de Nelson, le premier oracle d'immersion dans la culture française fut son compagnon Yves, antiquaire et passionné de théâtre classique. Cette rencontre a eu une influence décisive sur son approche de l'Europe et même sur son esthétique.

 

Alors que l'avant-garde parisienne se plongeait dans la passion technologique héritée des "trente glorieuses2," et que les artistes brésiliens à Paris donnaient forme à un art concret3 d'une esthétique raffinée et sensorielle, Nelson marchait dans une autre direction, non moins authentique et sincère vis-à-vis de sa réalité... Une opération esthétique hybride, basée sur le collage culturel, où il fusionnait son amour de l'Europe avec le rythme nourrissant son âme tropicale.

 

Il partit à la découverte de l'histoire de la vieille Europe, comprenant les textures de ses bâtiments, les décorations anciennes, les tissus d'époque, ainsi que le paysage arabe... symboliquement prélevant ces éléments pour les fusionner avec le rythme de sa passion : la samba. Une métaphore brésilienne serait peut-être appropriée pour comprendre son processus, le pensant comme les couturières du carnaval s'inspirant des symboles de cultures lointaines pour générer un moment de fiction. Dans son cas, Nelson développe une série de collages sur papier faisant parfois référence à des personnages, ménestrels ou marionnettes surgissant avec une joie tropicale des profondeurs de la vieille Europe.

 

Cette interprétation n'est peut-être pas très scientifique, mais je m'autorise à aborder cette œuvre, séduit par l'histoire personnelle d'un créateur migrant à Paris, plutôt qu'avec la rigueur d'un historien tentant de valider une image ou de lui donner un contexte historique. Ce qui importe ici, c'est la sincérité du travail. L'œuvre de Nelson prend de la valeur au point de devenir un territoire d'évasion, un jardin secret et un refuge infini pour rompre le silence.

Emmanuelle de l'Écotais décrit ainsi les collages de Nelson : "Ses premières réalisations (...) représentent des collages de papiers anciens, choisis méticuleusement en fonction de leurs couleurs, leurs motifs, et même leur grain, puisqu'il utilisait aussi du papier craft. Découpés, puis collés et peints, ces papiers forment une composition abstraite, une harmonie de formes et de couleurs.

À l'occasion, Nelson Dias-Lopes utilise la technique du pochoir pour "imprimer" des lettres, sans rapport entre elles, par-dessus la composition de papiers collés. Ces lettres n'ont pas de sens, ne forment - à priori - pas de mots, mais sont choisies simplement pour l'arabesque qu'elles constituent.

Détail significatif, ces lettres sont des lettres d'imprimerie entrecoupées : le "S" est en trois parties, le "R" est interrompu deux fois.... Bref ! Elles sont à elles seules des collages "automatiques".

 

L'œuvre de Nelson a traversé différentes périodes, parfois en décalage avec l'histoire de l'art, parfois portant un discours absolument personnel qui peut susciter l'admiration ou non. Il s'inscrit désormais de manière indéniable dans la culture visuelle.

Sa fascination pour le peintre Frank Stella le pousse à développer un langage artistique dense, chargé d'un chromatisme terreux où l'abstraction devient un geste de déconstruction de plaques qui se chevauchent, conférant une matérialité particulière au collage d'une architecture irrégulière. Comme il l'exprime lui-même, « je pensais Collage », et c'est peut-être à partir de cette logique que nous pouvons commencer à apprécier sa poétique. Même dans ses œuvres picturales, si nous nous permettons de nous immerger, nous réalisons qu'elles sont également des collages, avec des plans picturaux qui s'élèvent les uns au-dessus des autres.

 

Le projet : Une discussion de Peintre à Peintre.

Nelson est toujours parmi nous, de par la vigueur et le dynamisme de son travail.
Célébrer son existence prend tout son sens en dépoussiérant, classant et illuminant son travail, le propulsant ainsi dans le monde de l’art. Cela confirme son intégrité créative et souligne la convergence de ses préoccupations esthétiques avec autres créateurs latino-américains de renom à l’échelle internationale.

Nous évoluons à une époque où nul ne peut prétendre parler au nom des voix qui demeurent silencieuses, comme celles de Nelson. C’est pourquoi j’ai invité notre cher artiste et chercheur vénézuélien, Jaime Gil; lui aussi peintre et latino, admirateur de Stella tout comme Nelson, et touché par son approche du collage.

Jaime propose une approche horizontale de l’œuvre, nous guidant, en tant qu' amoureux de la peinture, à redécouvrir les problématiques de composition et sémiotiques envisagées par
Nelson.

Des questions qui échappent au regard d' un simple voyeur d’art, comme le mien.
Le plan consiste à créer un collage en deux temps, où les plans de Nelson et de Jaime se superposent pour engendrer un dialogue où tous deux chevauchent leurs souvenirs de l’Europe dans une perspective tropicale et festive.